top of page

Je

Quand je marche à coté de mon corps, il arrive que mon mental me dépasse.

 

 

L’autre jour j’étais en retard, en retard de penser à l’avance pour éviter d’être dépassée.

 

 

Si je tourne autour de ma tête il n’est pas sure que je réussisse à y entrer.

 

 

J’ai bien regardé cette plante, elle bouge, son corps se balance calmement d’un coté vers l’autre et ce n’est pas le vent.

 

 

 

 

 

 

Tout au bout j’ai essayé de toucher mon mental. Parfois il était plus amer souvent je manquais de lumière.

Des secondes plus tard, quand le temps était passé sans avancer, mon mental avait une douce odeur, une texture molletonneuse. Comme quand Jean Lou passe la tondeuse pour faire sa salade au gazon. Jean Lou aime être confortablement installé dans un bourdonnement réconfortant, avancer de façon mesurée, prendre la température du temps, humer le vert de l’herbe et avoir dans la bouche un petit monde propice à éclore.

 

 

Quand mon mental a inventé l’autre, il n’était pas au meilleur de sa forme, il essayait de comprendre. Pour percevoir, il a d’abord cherché à écorcher l’autre après avoir été écorché par l’autre. Mais l’autre n’aime pas les égratignures, il s’en est vite aperçu. Parfois l'autre les accepte comme des offrandes délicieuses. L'autre ne se rend pas toujours compte qu'il git sur le sol ensanglanté. Il n'a pas toujours la force de se fermer au potentiel présent. Le futur et le passé n’étant pas forcément mieux. Le présent qui n’en est pas un a toujours mieux valu qu’un futur certain.

 

 

Quand mon mental a inventé l’autre il n’était pas sur de ce qu’il faisait, il s’oubliait. Il s’oubliait pour un autre qui n’existait pas. Il n’existait pas pour mieux s’inventer. Il cherchait à sourire ou plutôt à se nourrir, à se nourrir d’autres choses que de la bouffe empaquetée répétitive dont on ne sent plus le goût.

 

 

Moi, je n’avais pas demandé grand chose, je ne demande généralement pas grand chose. Mon mental par contre, il en demande beaucoup et souvent beaucoup trop. Alors on est allé chercher Jean Lou, entre autre. Jean Lou ne se pose pas vraiment de questions. Mon mental par contre il s’en pose beaucoup des questions et souvent beaucoup trop. Jean Lou est attentif aux autres. Il fait ses petites affaires dans son coin. Il veut juste qu’on ne l’emmerde pas. Alors souvent il la ferme. Parce que c’est plus facile comme ça.

 

 

C’est vrai qu’il n’y a pas grand chose à dire. Mais je ne suis pas sure qu’il y ait beaucoup plus à faire non plus. Jacques ça, il l’avait bien compris. Il faisait quand même quelques trous dans les murs mais à part ça, on ne l’a pas vu faire grand chose d’autre. Ah si, y avait bien les escargots. Mais ça c’est anecdotique.

 

 

 

 

 

 

Mon mental pense qu'il peut faire ce qu'il veut du monde. Alors, il le fait rentrer tout entier à l'intérieur de lui. Parfois il transforme une pomme en couleuvre sans que je ne m'en rende compte. Si quelqu'un d'autre regarde la pomme, elle est toujours une pomme même si certains pensent que c'est une poire. Parfois la pomme se transforme en compote. A ce moment là souvent mon mental se rend compte que ce n'était pas une couleuvre.

 

 

Parfois mon mental tourne autour de quelque chose qui n'existe pas, il l'invente, il tourne, il tourne. Comme il n'y a rien, il construit quelque chose pour pouvoir continuer à tourner autour. Quand il s'arrête de tourner il n'est pas facile de déterminer si tourner l'a fait avancer ou perdre le sens.

 

 

Quand je croise les autres mon mental a souvent l'impression qu'ils pensent comme lui. Il se persuade que si l'humain fait un pas à gauche, puis un pas à droite et sautille sur place, c'est parce qu'il a une chanson dans la tête alors que c'était des fourmis dans les pieds.

 

 

Mon mental projette et c'est parfois risqué parce qu'il ne sait pas très bien viser. Je lui ai donné des balles en mousse accrochées à des petites ficelles pour qu'il projette sans que ce soit dangereux.

 

 

 

 

 

 

Quand mon mental se met à penser, les autres ne peuvent pas l'entendre. Parfois je ne l'entends pas non plus, alors, souvent il crie plus fort ou alors il se tait, il me tourne le dos repars en zigzaguant jusqu'à ce qu'il trouve quelque chose d'autre à penser. Généralement il est plutôt rapide. Il faut dire que ces belles pattes palmées lui permettent de courir relativement vite et c'est une vraie girouette, il peut passer d'une pensée à l'autre en une ouverture de mâchoire.

 

 

Parfois mon mental s'enferme dans une malle et ne veut plus en sortir, je lui parle doucement tout en caressant le bois, alors la malle s'ouvre et il sort en sautillant tout autour de moi. Parfois la malle ne s'ouvre pas, je ne sais pas, ou je ne peux pas. Alors j'attends. Ca me rend triste que mon mental se piège tout seul dans un endroit sombre et contraignant.

 

 

Mon mental sait marcher, rire et penser, il n'a pas besoin de moi, parfois il fait même tout cela sans que je m'en rende compte. Il fait aussi plein d'autres choses sans que je m'en rende compte. Plein de belles choses comme des collections d'amour. Mais il plante aussi quelques épines, parfois il en retire.

 

 

Si mon mental observe le mental des autres, parfois ils arrivent à se comprendre. Mon mental est rouge à pois verts. Parfois il s'entend particulièrement bien avec un mental vert à pois rouges, ou un mental rouge à pois verts ou vert à triangles rouges ou bleu à pois orange mais pas bleu à triangles orange.

 

 

Souvent mon mental peut parler avec les autres mentaux. Mais quand les autres ferment leur bouche à 4 tours, il est difficile d'essayer de se comprendre. Quand les autres mettent des escargots dans leurs oreilles comme Jacques, crier de plus en plus fort ne fonctionne pas à tous les coups pour se faire entendre.

 

 

 

 

 

 

Quand j'essaye de comprendre mon mental, je le regarde, parfois il se pavane. Il jette quelques pensées pour s'amuser. A la fin, du liquide rouge gicle partout. C'est que mon mental envoie des pensées plus noires, il insiste. Quand il arrête, il met du temps à cicatriser. Il faut le recoudre lentement avec du fil rouge et noir, pour pas que ça se voit. Il n'aime pas quand je réussis à le prendre au piège ou quand je lui dit de se tenir tranquille quand je tiens l'aiguille.

 

 

Une quantité infinie de mots sortent de mon mental, j'en dis certains à voix haute. Mon mental pense avec des mots. Il a besoin de ce système pour s'exprimer. Même si finalement il voulait dire autre chose, il est obligé d'utiliser les mots qui existent alors il enferme les pensées. Les boites s'empilent et s'empilent dans ma tête. Elles ne sont pas toujours bien rangées. Quand mon mental s'amuse à mettre des coups de pieds dedans, il faut tout réorganiser.

 

 

Mon mental aime se cacher derrière un coin de mur. Surtout il faut que personne ne le voit. Pour essayer de comprendre les autres, mon mental les observe, il prend tous l'attirail, les lunettes, les loupes et les jumelles pour mettre par dessus les loupes. Il s'est même procuré un microscope, son arc et ses flèches ne sont pas loin. Il a donc observé les humains, se mouvoir, se confronter à d'autres humains et parler. Mon mental trouvait que c'était comme une chorégraphie.

 

 

Mon mental a compris que pour comprendre les autres il fallait s'y confronter. Il ne peut pas entrer dans leur tête. Il a alors revêtu sa plus belle parure, s'est avancé à une distance d'environ 50 centimètres d'un humain. Il est allé demander d'une voix intelligible : « A quoi crois tu ? Quels sont tes désirs ? »

 

 

 

 

 

 

Mon mental se perd dans des rouages, il prend rapidement l'habitude de tourner et se faire tourner. Il tourne, il tourne et à chaque fois qu'il est déclenché il tourne encore. Mon mental n'aime pas innover. Pour insérer un carré dans les cylindres il faut tordre les roues autour de lui. Les roues n'aiment pas être tordues. Elles essayent constamment de redevenir rondes. Si je veux garder mon carré, je dois forcer mon esprit à tordre les roues à répétition.

 

 

Il est parfois difficile de comprendre pourquoi mon mental tourne de la façon dont il tourne, et comme pour le comprendre, il ne peut que tourner dans le but de comprendre pourquoi il tourne il peut être utile d'immiscer un autre dans cette histoire. Souvent je tourne avec mon mental et ce n'est pas pour autant qu’on est dans le même cercle et qu'il tourne à la même vitesse que moi.

 

 

Mon mental me prend pour sa marionnette. Il fait se soulever mon bras droit puis mon bras gauche. Lorsqu'il me fait soulever les deux jambes du sol je tombe. Il m'impose de penser aux quantités de feuilles mortes qui s'accumulent sur les trottoirs, et puis je me remets debout.

 

 

 

 

 

 

Mon mental me regarde ou je regarde mon mental. parfois je ne sais plus vraiment lequel des deux est moi. Dans ces cas là mon mental se fige, il attend, comme si il avait une chance d'être pris pour moi, il ne faut surtout pas la perdre. Il a peur aussi, peur que je découvre ses petites manigances. Je le vois bien mélangeant la chèvre et le chameau. Il se cache. Plus il garde de mystère, plus il a d'emprise sur moi.

 

 

Mon mental fait semblant de prendre la place du mental d'un autre. Il se tient tout droit à coté de l'autre et exprime « je pense comme cela ». Je trouve parfois qu'il est plus facile de partager avec des autres non humains. Leur mental est moins propice à la feinte du mien.

 

 

Mon mental veut imposer aux autres non humains les normes des humains. Parfois il demande à répétition à un chien de donner la patte, comme si il voulait lui serrer la main. Mon mental a inventé des piquets pour que les plantes se tiennent debout.

 

 

Mon mental a tendance à vouloir contrôler son environnement, comme pour se parer de toute potentielle agression envers lui. Il bloque des portes, il en ouvre d'autres, accroche des étiquettes, met des pense-bêtes, collectionne des mots pour les mettre dessus. Ça le rassure. Pendant qu'il fait tout ça moi je me promène. Tout son foutoir fait un peu de bruit mais souvent je l'oublie.

 

 

Quand mon mental se perd, je mets parfois du temps à le retrouver. Quand mon mental est incertain, il court d'un endroit à l'autre sans s'arrêter. Parfois il va trop loin. 

bottom of page